Geilon, fils d’Hélyette d’Orain et de Jean de Courchamp, et filleul de l’évêque de Langres avait été placé à l’abbaye à l’âge de 6 ans, c’était un oblat, en outre ses parents pour le salut de leurs âmes avait fait don d’une terre sise à La Romagne. Geilon était le fils cadet, il était voué depuis sa naissance à la vie religieuse.
Geilon a suivi les cours de l’école monastique, puis il a poursuivi sa vie religieuse à l’abbaye saint Pierre et Paul. Geilon est devenu moine copiste, recopiant les saintes écritures et pratiquant l’art délicat de l’enluminure enseigné par des maitres italiens, venus à l’invitation de l’abbé Guillaume. Guillaume de Volpiano avait transfiguré l’abbaye et proposé aux moines de Bèze d’abandonné la règle de saint Colomban pour celle de saint Benoit. Geilon a grandi dans cet environnement intellectuel, spirituel et artistique.
Matines, laudes, complies et vêpres rythmaient sa vie. La nourriture à l’abbaye était frugale, quelques poissons pêchés dans la Bèze toue proche agrémentaient le repas. Le vin du Clos de Bèze, situé à quelques dizaines de kilomètres était l’ordinaire de l’abbaye. Ce nectar était charroyé en tonneaux par les paysans attachés à l’abbaye vivant au sein de l’encloitre.
Geilon était sérieux, et très assidu à son travail et voulait bien faire. Il était parfois distrait, et semblait dans autre monde, il semblait absorbé. Les autres moines le pensaient, absorbé dans les hauteurs de la contemplation.
Geilon avait une dévotion particulière à Notre Dame de Bèze, dont les chapiteaux étaient ornés d’une annonciation et d’une visitation. Le soir venu, il lui semblait entendre un chant mélodieux près de la tour d’Oysel. Les chants paraissaient provenir des profondeurs de la rivière, pour Geilon, c’était un chant très beau. L’air lui rappelait le chant entendu au mois de mai, provenant de l’église saint Rémy : « C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau. ». Troublé, Geilon, se rendait se rendait chaque soir au bord de l’onde, afin d’entendre ce chant très doux, accompagné d’une musique céleste. Cette mélopée séraphique accompagnée de rires semblait venir de la source toute proche. Geilon était fasciné par ces voix et distrait dans son travail. Le jeune moine ne voyait pas d’où pouvait provenir ces voix. Son imagination lui jouait des tours et était source de tourments. Il imagina de somptueuses créatures mi-femmes, mi poissons. En songe, il eût une vision, il vit apparaitre ces créatures ceintes d’une couronne, il dessina ces six reines et exorcisa sa fascination, il avait réalisé ainsi sa première enluminure sur son livre d’heures.
Rémy Monget
Mois : septembre 2011
La geste de Thibaud
La geste de Thibaud
Il croyait en l’amour de Dieu, en son infinie grandeur, en son immense mansuétude et en sa justice immanente.
Qu’il était bon pour Thibaud d’être dans la prière et dans la douceur de la contemplation. Pendant ces heures d’adoration du Saint Sacrement, Thibaud faisait l’expérience de la grandeur de la bonté divine. Priant pendant des heures, il lui était difficile d’être en prise avec la réalité de ce bas monde.
Dieu était son ami, Dieu l’entendait, lui parlait. Pourtant il pouvait être fâché avec Dieu, en colère contre lui et vice versa. Par la prière Thibaud retrouvait Dieu. Dieu ne lui jamais manqué. Dieu est amour, Dieu est justice. Dieu est également un Dieu terrible, un Dieu jaloux, un Dieu quasi vétéro testamentaire, un Dieu vengeur, un Dieu de colère et de larme. Dieu peut être en colère contre son peuple. C’est alors du tympan de la cathédrale d’Autun ou de Vézelay. C’est un Dieu dans sa mandorle, un Dieu du Jugement Dernier. C’est le Christ Pentocrator inscrit dans un monde symbolisé.
Ce Dieu est un Dieu juste, à la tête de la mesnie des anges contre les anges déchus et les esprits dévoyés. C’est un Dieu cruel, qui donne et reprend. Un Dieu d’amour également laissant l’homme libre de faire le ou le mal ou les deux alternativement. C’est un Dieu capable de laisser faire des massacres, parfois même en son nom. Un Dieu est capable de punir cruellement son peuple orgueilleux. Ce Dieu est là est caché, souvent ignoré des hommes. Les hommes ne veulent pas le voir. Dieu est amour, certes pense Thibaud, mais pas seulement. C’est un Dieu implacable. Le bien, le mal, la malédiction existent. L’homme les choisis selon sa volonté, Dieu laisse son libre arbitre à l’être humain, en cela il est implacable.
La prière envoyée vers Dieu, en faveur d’un meilleur discernement est un combat de chaque jour pour Thibaud. Thibaud recherchait le bien et l’élévation, seule la prière les lui apportait, Le Monde n’était que tentation, déception, insatisfaction et cause de lamentation. La séduction du mal des ses pompes, de ses facilités, de ses satisfactions rapides lâches étaient intrinsèquement liée à la vie matérielle. La vie spirituelle était salvatrice pour Thibaud. Cependant Thibaud n’était pas un pur esprit. Comme chaque être humain, il avait ses défauts, cause de chute et de honte.
Un jour Thibaud rencontra Gersende. Gersende était sa sœur spirituellement parlant. C’était un amour idéal, très pur chaste et très beau. La prière était pour Thibaud l’occasion de discerner le bien du mal et de trouver ce qu’il avait de meilleur en lui afin d’être le meilleur possible pour les autres et pour lui. Les prières et les réflexions de Gersende le soutenaient dans les épreuves. Lire les chants écrits par Gersende l’aidait à tenir, Thibaud se nourrissait de mots, comme si on les lui avait refusés.
Parfois, la spiritualité, l’esprit de Noël, une visite chez un ami, la neige dans la plaine, un vol d’oiseau arrivaient à le distraire de ses peines. Les mots de Gersende étaient consolents même s’ils se nourrissaient de sa geste, il le savait.
Une absence de prière, et c’était la chute, le désespoir. La geste de Thibaud était une quête d’absolu d’idéal et d’amour. Cette recherche était semée d’embuches, de chausse trappe, souvent Thibaud se perdait en chemin, tombait, se relevait. Seul l’amour le sauvait, l’amour de Dieu, l’amour du prochain. Sur son chemin, Thibaud rencontrait des loups, des marchands, des voleurs, des vautours, et des sorcières bienfaitrices parfois. Thibaud priait beaucoup en secret, la piété, le calme, la réflexion l’animaient. Pour combien, de temps, il ne le savait pas. Il n’avait pas le choix, il devait prier pour tenir dans l’épreuve, pour ne pas mourir. Il priait pour ne pas se mourir à lui même. La tentation de mourir de se laisser mourir, était le mal pour lui et les autres. Il devait sans cesse lutter, l’amour devait l’aider dans cette voie. Seul l’amour sauvait par le biais de la prière. Thibaud se réfugiait dans cet amour, il recevait la grâce d’être en vie. Une présence était là désormais à ces cotés à chaque geste. Thibaud avait soif de confiance, et faim de justice, d’amour et de charité, de foi, et d’espérance. Dieu en un sens pourvoyait à cela. Cependant, doutes, colères et tentations pouvaient le faire chuter à chaque instant. Parfois Dieu était son seul ami. Il lui fallait prier, la prière l’aidait.
Gersende, de son coté, avait en quelques sortes une révélation. Une chute, un aveuglement, une douleur profonde, un déchirement, puis le décillement, la perception d’une présence s’est révélée. L’imploration de la grâce de vierge mère de miséricorde, lui a apporté la grâce, la découverte ou plus tôt la redécouverte sous une forme spirituelle du Christ, lui a ouvert les yeux sur sa vie passée. Toutefois des œillères lui empêchaient parfois de s’ouvrir plus au monde. Elle désirait mieux comprendre le monde, et donner une part des dons reçus sous une autre forme. Elle connaissait la parole « A ceux à qui, il a été beaucoup donné, il sera beaucoup demandé ». Elle invoquait aussi l’esprit saint afin que la grâce l’enveloppe et la protège, d’une profonde douleur cachée par un sourire constant, affiché comme celui de l’ange de Reims ou celui de certaines vierges à l’enfant bourguignonnes ou flamandes parfois démenti par des yeux de feu.
Thibaud avait du mal à se départir d’une certaine brutalité quasi animale faite d’impudeur des actes et de pudeur de sentiments. Ainsi aux yeux du monde n’osait-il pas dire merci à Gersende, pour la main tendue, insaisissable, certes. Mais cependant tendue. En d’autres moments, il l’aurait fait sans ambages. Il était tétanisé. Pourquoi? Le regard de milliers d’yeux peut être était douloureux. Peut être moins le regard que le contexte du regard importait à Thibaud, il ne s’agissait pas d’une exposition choisie. Gersende l’aurait exprimé bien mieux sans doute pensait Thibaud tout en cheminant. Gersende semblait veiller sur lui, c’était une présence. Une sorte de transmission de pensée semblait voguer comme une onde entre eux.
Parfois elle lui laissait des petits mots le faisant progresser. Thibaud aurait préféré ne pas en voir certains, cependant tous avaient leurs sens. Parfois ces mots n’étaient pas toujours de Gersende. Elle lui offrait de succulentes pâtisseries, lui faisait des signes, auxquels Thibaud ne savait pas toujours répondre, faute de pouvoir clairement les interpréter, il espérait toujours pouvoir échanger avec Gersende, et cherchait la formule la plus inspirée.
Un jour, Gersende déposa aux pieds du christ de leur village, l’âme meurtrie et le corps souffrant de son âmie Anne, Thibaud et Gersende prièrent pour elle. Annasuz, une devinerese dit à Thibaud : « Le présent d’Anne est l’avenir de Gersende, ou un futur proche.»
Cela troubla beaucoup Thibaud. Il ne savait que faire. Thibaud ne savait que prier et écrire. Il fit ces deux choses.
Gersende et Thibaud prièrent pour Anne. Thibaud se souvint d’un chant ancien et mélodieux. Ils allèrent en pèlerinage en endroit perdu et mystérieux et entonnèrent le cantique, dont voici un des couplets:
« Lorsqu’ils buvaient à l’onde de ta fontaine
Les pèlerins recouvraient la santé;
Guéris notre âme auguste souveraine
Guéris nos cœurs de toute infirmité.»
Après avoir bu l’eau de la fontaine miraculeuse située à l’orée de la forêt, le corps d’Anne revint à la vie et celui de Gersende s’immunisa et se fortifia. Cette fontaine de jouvence fut salvatrice pour tous. Ce fut un des bienfaits supplémentaire attribués à la Protectrice de cette source. Tous purent chanter:
« Chacun alors sut faire de son âme
Un temple saint de respect et d’amour.
Et conserver son culte à Notre Dame.
En la priant en secret chaque jour. »
Rémy Monget
Église Saint Pierre de Montormentier
Lorsque le visiteur pénètre à Montormentier, hameau, situé au carrefour des 3 provinces, à 1,5km de Courchamp et de Sacquenay, il est saisi par la beauté et la tranquillité du lieu. En s’écartant, de la route, il peut découvrir la singulière église de Montormentier. L’église Saint Pierre de Montormentier surplombe la vallée de la Vingeanne au Nord.
L’église est partiellement enterrée, elle est entourée d’un cimetière. Montormentier a été l’église paroissiale de Percey et une nécropole importante. Bâtie aux alentours de l’an 1100, l’église de Montormentier est caractéristique de la période romane. Dès 1170, sous le règne du roi Capétien Louis VII le jeune, Montormentier a son propre prêtre. La partie centrale, plus ancienne est de la fin du XI ème siècle, fin du style roman. Elle est surmontée d’un clocher refait en 1855. Au XIIIème siècle, l’église et son cimetière sont devenus le centre de gravité de la vie religieuse de la région. L’église, se distingue de l’extérieur par des contreforts et par endroit, il persiste les vestiges à l’intérieur de la chapelle d’une Litre, bande de 80 cm de haut, signe d’une chapelle funéraire. Cette litre est visible à l’intérieur de la chapelle des Trestondam datant du XVème siècle. Depuis cette chapelle funéraire, les Trestondam, seigneurs de Montormentier et leurs successeurs pouvaient suivre l’office sans être vu des autres paroissiens. La chapelle dite des Trestondam jouxtant la nef de l’église romane, séparée par une porte surmontée des armes de Guillaume de Trestondam. Attiré par les lieux et leur légende, le seigneur Richard de Trestondam a érigé, au décès de sa femme Henriotte de Saint-Seine, cette chapelle en 1467, destinée aux morts de sa noble famille. On peut observer leur pierre tombale dressée dans cette chapelle dite des Trestondam. On pénètre dans la partie centrale par un porche en pente douce sur lequel on peut observer devant la porte une pierre gravée d’un tau : initiale de temple et d’une croix gravée au-dessus de la porte représentant non pas l’ordre des templiers présent dans la région, notamment à la Romagne mais de Saint-Antoine de Vienne. Toutefois les Templiers puis les Hospitaliers de Jean de Jérusalem étaient possessionné à Montormentier. La nef marquée par un sol en pente est éclairée par trois fenêtres dont la plus ancienne est celle éclairée par un vitrail de Saint-Joseph à l’Est. Les murs étaient autrefois recouverts de peinture comme en témoigne un vestige au dessus de l’autel caché par le plafond, représentant une tête et les épaules d’un ange vu de dos. En entrant on remarque un bénitier avec trois têtes d’hommes et trois fonds baptismaux. Le chœur a pour plafond une voûte formée par le rapprochement des murs ogivaux. Il a comporté encore au début du siècle une porte le séparant de la nef. Il est caractérisé par la présence d’une autre meurtrière. La sacristie, «chapelle des Trestondam » a été la chapelle funéraire de cette famille, durant près de trois siècles, les seigneurs de Percey y ont été inhumés. La chapelle des Trestondam est classée monument historique depuis 1939, la statuaire, installée dans le chœur est composée principalement d’un Saint Pierre couronné d’une tiare et d’une vierge à l’enfant est remarquable, ils ont été classés en 1971.
Encadré : Étymologiquement, Montormentier serait le «Mont des Tourments ». Un bûcher aurait été érigé à Montormentier pour brûler Brunehaut reine d’Austrasie, victime des guerres entre les successeurs de Clovis, trainée par des chevaux de Renève à Montormentier selon la légende. Le village s’étire aux confins des trois régions riches d’histoire et de culture : Bourgogne au sud, Franche-Comté à l’est, Champagne au Nord. Le hameau a compté 17 habitants en 2007, il en compte 30 en 2011.