Montigny-Mornay : le carrefour des facteurs

« Montigny-Mornay : le carrefour des facteurs
Si le week-end était placé sous le signe de la musique, pour Matthias Desmyter et Rémy Popielarz, deux habitants de Montigny-Mornay-Villeneuve, il s’agit de leur quotidien.
Perdu au fin fond de la Vingeanne, à la lisière de la Haute-Saône, le village de Montigny-Mornay-Villeneuve-sur-Vingeanne comptait en 2009 douze habitants au kilomètre carré. Et pourtant, c’est ici qu’a choisi de s’installer, il y a deux ans, Rémy Popielarz, facteur de pianos. Le côté inédit de l’histoire aurait pu s’arrêter là si Matthias Desmyter, facteur de harpes, n’avait pas décidé de s’installer récemment à quelques mètres d’un facteur de pianos.
Facteur mais pianiste avant tout

À peine passé la porte d’entrée de Rémy Popielarz que déjà les pianos à queue nous accueillent. Au centre de la pièce, la fierté du pianiste et facteur, un Bechstein. « Il n’y a que cinq modèles en France, comme celui-ci », lance-t-il, les yeux posés sur les touches.

En plus de réparer les pianos, Rémy Popielarz les ­accorde aussi pour les ­concerts. « Deux disciplines différentes », tient-il à préciser. Alors régulièrement, ­il promène son Bechstein du côté de Dijon ou encore ­Besançon et l’accorde pour des concertistes. « L’harmonisation, c’est passionnant. Le travail avec les musiciens aussi. Avant un concert, on ne va pas tout modifier de l’instrument, mais l’adapter à chaque musicien. C’est très intéressant, on a l’impression de participer à l’environnement du concert », indique-t-il. C’est à l’âge de six ans qu’il a posé ses mains pour la première fois sur un piano. Depuis, il n’a jamais cessé et a choisi d’aller plus loin. « En France, on n’est pas réellement formé à la technique lorsqu’on est pianiste », remarque celui qui enseigne à l’école de musique de la Covati. Et d’ajouter : « Au départ, c’était aussi un handicap car mon oreille n’était pas neutre. Le technicien et le pianiste ont vraiment deux langages différents ».

Passionné par son métier, Rémy Popielarz ne s’arrête jamais. Et les idées se bousculent dans sa tête. Récemment, il a commencé à réaliser un projet colossal : fabriquer un piano droit. Colossal car il n’existe plus qu’un fabricant de pianos en France, tant la tâche est complexe.
Dans son jardin, le facteur de pianos peut enfin profiter du calme qu’il recherchait depuis longtemps. Et surtout de l’espace. Il faut dire qu’avec son ancien appartement rue Victor-Hugo, à Dijon, il était compliqué d’installer un atelier.

Plus de demandes que d’offres

De l’espace et du calme, c’est aussi ce que cherchait Matthias Desmyter, unique facteur de harpes en Bourgogne et Franche-Comté. Contrairement à Rémy, Matthias n’était pas harpiste de formation. Mais plutôt flûtiste. Toutefois, la passion de la musique l’a vite contaminé, notamment à travers son père, professeur de violon. Et c’est d’abord vers le piano que le jeune homme originaire du Sud-Ouest voulait se tourner. « J’ai d’abord fait un CAP d’accordeur de piano et je me suis dit que la fabrication m’intéressait davantage », raconte-t-il. C’est donc vers un apprentissage en ébénisterie qu’il se tourne, tout en ayant comme idée de se spécialiser dans la confection de harpes. « Il y a une grande diversité dans cet instrument. Il pourrait s’agir d’une famille d’instruments à lui seul. La taille diffère d’une harpe à l’autre, l’esthétique et la tessiture aussi ». Lorsqu’il s’installe dans la Vingeanne, il y a deux ans et demi, le plus gros de son activité est d’ailleurs l’ébénisterie, qui lui permet de constituer des fonds pour pouvoir s’adonner à sa passion.

Aujourd’hui, il en est à sa huitième harpe. Et s’il a choisi cet instrument, ce n’est pas du tout par hasard. « Il s’agit d’une niche où la demande est supérieure à l’offre », assure le facteur. Prochainement, Matthias Desmyter se rendra à Dinant pour le Salon des luthiers. Une occasion de se faire connaître auprès de ses pairs, sans craindre la ­concurrence. « Dans le coin, je sais que les facteurs de harpes les plus proches sont à Paris, à Lyon ou en Suisse ».

Si on connaissait la lumière de Pont-Aven pour les impressionnistes, peut-être nous ne soupçonnions pas le pouvoir de Montigny-Mornay-Villeneuve-sur- ­Vingeanne sur les musiciens amoureux du bois. »
Cet article est signé Inès de la Grange, et est paru le 23/06/2014 dans le journal Le Bien Public

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