L’amoureux des mots 29
Un grand évènement avait marqué Jonas dans sa vie à la ferme c’était le sort réservé à monsieur le cochon. Monsieur, lorsqu’on tuait un cochon de 300 livres, on disait c’est un monsieur!
Il fallait d’abord élever le porc. On allait l’acheter tout petit chez marchand. Un jour Jonas a été cherché le petit cochon dans sa soue près la mère du petit nourrin. Il a prouvé ainsi son courage. Le marchand a fait un prix car, il s’agissait du plus petit de la portée.
Le porc était élevé dans soue pavée avec une auge en pierre et de la paille bien sèche. Le sol était en pente pour bien évacuer les urines.
La nourriture était faite de pommes de terre cuites à l’eau avec leur peau, du petit ou l’eau grasse de la vaisselle sans détergents bien entendu. La nourriture était donnée tiède deux fois par jour dans le tect ou soue.
Il fallait nettoyer la litière en faisant attention que le porc ne se sauve.
Quand la famille le trouvait bon à tuer, elle le laissait jeuner un jour. La veille il fallait aiguiser les couteaux, préparer les draps de cochons, il s’agissait de draps usagers que l’on réservait pour tendre sur le pavé, pour y disposer le parc débité en rôtis, lard en bande, afin qu’il refroidisse et permettre de choisir.
Les oignons pouvaient être épluchés la veille. Il fallait prépare une ou deux brosses à chiendent à main pour laver le cochon frillé et raclé. Si on voulait savoir combien il pesait, il fallait préparer à proximité la bascule avec les poids en fonte, on se servait de poids de 5,10, et20 kilos Pour le sacrifier, il fallait un homme solide et adroit, pour lui attraper une patte arrière avec une petite corde assez longue pour l’attacher à un anneau scellé dans le mur à proximité.
Il fallait préparer une bassine, une poêle et de la paille.
L’homme devait le faire basculer et le maintenir sur le dos avec un genou, puis lui enfoncer le couteau dans le cou en direction du cœur, le sang qu’il fallait récupérer dans une poêle , et verser une bassine en remuant pour qu’il ne caille pas, on y mettait un peu de vinaigre et on le plaçait au frais.
Après cela il fallait friller la bestiole, c’est-à-dire bruler les soies, et les racler pour obtenir une peau toute rose, lavée à grande eau. Ensuite on la mettait sur « l’échelle à cochon », pourvue de crochets, et dressée contre le mur afin de l’ouvrir, pour recueillir la toilette. Il fallait une corbeille pour recueillir les boyaux, et des plats pour le foie, les poumons qu’il fallait gonfler en soufflant dans la trachée pour pouvoir s’en servir et les rendre cuisinables. La toilette, il fallait la laver à l’eau tiède et l’étaler pour qu’elle sèche pour pouvoir s’en servir, il ne fallait pas oublier d’enlever la vessie, et la bile du foie sous peine de gâcher tout le reste. On utilisait une autre corbeille pour recueillir les pieds et la tête, qu’il fallait enlever pour faciliter le passage dans les portes. Après cela, il fallait être costaud pour se mettre sous l’échelle et la trainer à la maison dans une pièce fraiche, réservée pour cela.
Après quoi le porteur avait bien mérité un petit remontant, pendant que les femmes s’affairaient pour les boyaux, l’estomac, qu’il fallait d’abord vider et gratter, à grande eau.
Il fallait éplucher 4 à 5 kilos d’oignons, que l’on coupait avec un « esse «»fait exprès, une tige assez longe avec une ferrure qui tranchait les oignons dans une marmite spéciale en fonte, où on mettait du saindoux pour les cuire afin de confectionner le boudin.
On filtrait le sang, en le versant dedans, et l’on assaisonnait avec un peu de sel, des quatre épices, du rhum, du gras des pannes versés dans un petit bol, coupés en petit dés. Il fallait ensuite bien mélanger et emboudiner en utilisant de petits entonnoirs réservés à cela : « les emboudinoues ». Il fallait ensuite faire chauffer une grande bassine large d’eau, et y plonger les boudins bien ficelés, il fallait qu’ils baignent, il ne fallait pas laisser bouillir. On voyait qu’il était cuit en piquant avec un aiguille fine. Il ne devait sortir que du gras. A ce moment les retiraient en les badigeonnant avec un petit morceau de lard gras. Ensuite on le laissait refroidir sur des plats en l’enroulant. On pouvait le déguster tel quel ou le faire griller. Il se gardait huit jours.
Le jour du cochon, on faisait cuire la tête avec les bajoues et des oignons piqués de clou de girofles et des légumes entiers dans une grande marmite, on mangeait plusieurs jours dessus.
Pour faire la terrine, la grand-mère de Jonas coupait du maigre de porc et de viande blanche (lapin ou veau), les mettre à mariner avec un peu de vin blanc et d’aromates (thym, laurier, oignon, poivre en grains 24 heures en remuant une fois)
Il fallait larder le fond d’une terrine et disposer une couche de viande rouge, une couche de viande blanche et mettre le hachis au milieu, et terminer par des bandes de viande et arroser d’un peu d’alcool (rhum ou eau de vie)et faire cuire au bain marie une heure et demie.
Pour le pâté en croute, il se réalisait avec la même garniture et la même façon de monter le pâté, mais sur une pâte contenant du saindoux ou du beurre, de façon à bien l’enrober, plus épais au fond, pour éviter de couler à la cuisson.
Il fallait pratiquer deux petites cheminées, et le badigeonner au jaune d’œuf délayé, on faisait quelques petits dessins. On faisait cuire au four moyen une heure trente à deux heures. Lorsqu’il était doré, il fallait le protéger avec du papier beurré.
On préparait ensuite les jours suivants quand la bête était découpée, le saindoux avec la panne prélevée, qu’on faisait fondre en gros carrés pour avoir une belle graisse blanche recueillie dans des pots en grès. On pressait bien les grattons que l’on salait légèrement pour les déguster comme une gourmandise. On pouvait lever des grillades sur le lard maigre. C’était une viande juteuse et tendre.
Quand on découpait le porc, on prélevait les morceaux entrelardé de la gorge pour les boulettes.
Le foie, de la viande entrelardée, du lard salé que l’on avait gardé de la fois d’avant étaient utilisés pour le pâté de campagne.
Pour faire de la chaire à pâtée, on pesait le même poids de foie et de lard gras salé, le double de viande grasse, une dizaine d’échalotes, un oignon, quelques gousses d’ail dégermées, un bouquet de persil. On passait tout ça au hachoir à grille moyenne, puis l’on ajoutait une bonne poignée de farine, quelques œufs entier, suivant la quantité, et un petit verre d’alcool, rhum ou prune, on tapissait une petite terrine avec de la toilette réservée, on y versait de la chair et sur le dessus avant de mettre le couvercle, une petite feuille de laurier, on cuisait au four au bain marie pendant une heure et demie. On pouvait attendre plusieurs pour le déguster.
Pour confectionner les boulettes, il fallait de la charbonnée coupée en dé, des échalotes, du persil, un peu de farine et des œufs, du sel, du poivre, et bien pétrit la pâte, on pouvait attendre un jour pour la confection des boulettes.
Il fallait prendre une grosse noix de chair, la rouler dans la farine pour faire frire dans un saindoux bien chaud dans des grandes poêles juste bien dorées, on laissait refroidir, on en mettait en bocaux, avec un bouillon de viande, juste pour que ça baigne. On stérilisait une heure et demie.
Pour Jonas, c’était une fête, on prenait un petit déjeuné à 9 heures à la ferme, après avoir pansé les bêtes avec des grillades et du boudin, la maison embaumait de bonnes odeurs.
La salaison du porc était un véritable cérémonial. Il fallait verser un demi-litre de vinaigre sur une brique chaude, pour désinfecter le saloir, avant d’y introduire la viande. Le saloir était un immense pot de grès munis d’anses et coiffé d’un couvercle.
Dans un plat, on avait préparé des feuilles de laurier brisée, du poivre en grain, du poivre moulu, des épices, de la sauge, du salpêtre, des gousses d’ail, tout ça bien mélangé. Deux jours après le découpage pour que le porc soit bien froid, on pouvait procéder au rangement dans le saloir pour avoir par couche du gras du maigre, jambonneau, oreilles et pieds, parsemer des épices puis du sel par couche de 2 centimètres et rebelote jusqu’à épuisement de la viande. La couche du sel du haut était un peu plus épaisse, on mettait un linge sous le couvercle. Quelques jours après on vérifiait si la saumure recouvrait suffisamment le lard, sinon on mettait de la saumure : (4 kilos de gros sel fondu de 10 litres d’eau pour un bonne conservation). Au bout d’un mois on pouvait commencer à s’en servir et à déguster un lard qui sentait bon la noisette. C’était l’homme de la famille qui souvent s’occupait du saloir.
Toute la viande n’était pas consommée, une partie était donnée à d’autres famille qui rendait cette bonne manière, lorsqu’elle tuait le cochon à son tour, c’était une occasion d’avoir toujours de la viande fraiche.