Littérature 21.
Jean Robinet et Jean-Christophe Demard, auteurs locaux, se reconnaissent un illustre prédécesseur, il s’agit de Joseph Cressot.
Pour avoir publié de nombreuses chroniques dans le journal Le Républicain lorrain, Jean Robinet est très populaire en Lorraine. Plusieurs de ses œuvres sont illustrées par Jean Morette. Sa sensibilité à l’écoute du monde paysan évoque Joseph Cressot, d’autant plus que les deux écrivains proviennent de la même région, une région que Jean Christophe Demard a appelé : « le Haut-Gué », sur les confins haut-saônois et haut-marnais. La ressemblance ne s’arrête pas là. En effet, Joseph Cressot parti de Chatoillenot a fait une bonne partie de sa carrière en Moselle et c’est là qu’il est devenu chroniqueur dans un journal lorrain comme plus tard Jean Robinet, dans le Républicain Lorrain. « Le pain au lièvre » a ainsi d’abord été publié en petites livraisons, dans un journal de Metz.
Joseph Cressot naît le 10 janvier 1882 à Châtoillenot, département de la Haute-Marne en France dans une famille de petits vignerons. Après avoir été élève de l’École Normale de Chaumont, il devient instituteur, puis inspecteur de l’Instruction publique à Bar-sur-Seine en 1909, et à Saverne à partir de 1919. Il publie régulièrement des leçons modèles d’histoire et de morale dans « La Collaboration pédagogique », la revue publiée à Strasbourg par les éditions Istra. En 1930, il est nommé directeur de l’École Normale de garçons de Montigny-lès-Metz, en Moselle et en 1941, inspecteur général des Écoles Normales.
Il meurt le 15 février 1954 à Saint-Cloud, département de la Seine et sera enterré dans le petit village d’Avril en Meurthe-et-Moselle.
C’est pendant son séjour en Moselle qu’il fait paraître en 1937 dans le journal Le Républicain lorrain Le Paysan et son village sous forme de feuilleton. Il y raconte son enfance dans un village des environs de Langres aux confins de la Champagne-Ardenne.
En 1943, ces mêmes souvenirs sont repris en un livre Le Pain au lièvre, qui connaîtra un franc succès et plusieurs rééditions.
Joseph Cressot, empreint de son expérience professionnelle a écrit finalement un livre conformé aux nécessités de la rédaction des écoles primaires. Son écriture sobre est en phase avec son sujet, celui de la pauvreté, dans les campagnes, à la fin du XIXe siècle et rencontre dans l’esprit des lecteurs de la fin du XXe siècle, un écho de la nostalgie d’un monde bucolique, sans moteur. Il rappelle celui d’Alain-Fournier, la dimension romanesque en moins. Mais ce qu’il raconte dans son texte le plus connu, « le pain aux lièvres », c’est surtout la servitude de l’agriculteur, à la merci de la météo, à l’époque comme aujourd’hui, mais aussi ses servitudes matérielles à une époque où la mécanisation de l’agriculture n’est pas encore commencée chez les petits agriculteurs. C’est finalement à la question « Pourquoi je me suis engouffré dans la fonction publique » que répond l’auteur en version subliminale de son texte. Il est ainsi devenu une source pour l’historien, pour la compréhension de la dynamique sociale du XXe siècle. Il montre comment une France paysanne a engendré une France de fonctionnaires.
Joseph Cressot est bien plus que cela, son « Pain au lièvre », évoque le bon pain, emmené, par les travailleurs ruraux en forêt ou à la vigne, lorsqu’ils coupaient leur bois. Ce pain ensuite ramené aux enfants, était supposé avoir une saveur particulière, celle du gout de la nature et des lièvres sauvages.