Le moine Thibaut et saint Prudent
Le moine Thibaut d l’abbaye de Bèze vers 1116, a écrit un livre sur saint Prudent. Dans ce livre, il relate le « Plaid de Dieu », une grande assemblée qui a eu lieu au val d’Ogne entre Til Chatel et Lux. Un grand camp avait dressé à la place du bourg d’Ogne, capitale semi-légendaire du Pagus des Attuariens.
A la fin du IIIème siècle, en période gallo-romaine, Bèze était situé sur le territoire des Attuariens, nom d’une peuplade installée vers 293 par l’empereur romain Constance Clhore entre la Vingeanne, la Tille, et la Saône, dans la province des Lingons dont la capitale est Langres.
Le canton des Attuariens avait sans doute une capitale, un chef-lieu. Certains parlent de la ville d’Antua dans la forêt de Velours, d’autres avancent Atès près d’Atttricout. D’autres encore avancent le nom d’Ogne. Le Larousse annonce Bèze comme capitale des Attuariens. Il est à noter que les habitants d’Autrey les Gray s’appellent les Attuariens justement. Le nom de famille : Lathuyer ou Lathuyère ou lathuillere viendrait de là.
Revenons à cette assemblée, où se sont réunis, l’évêque de Langres, l’abbé de Bèze, les prêtres, les seigneurs ainsi que la multitude des gens du peuple. Sous un grand pavillon, les religieux de Bèze ont amené la précieuse châsse de saint Prudent. C’est en procession que les moines ont escorté le corps du vénérable saint Prudent. Selon Thibaut il s’agissait d’une châsse merveilleusement ornée d’argent, d’or et de pierres précieuses.
L’assemblée était organisée par l’évêque de Langres pour décider des mesures à prendre pour mettre fin aux agissements des bandes de pillards qui sévissaient dans la région.
Thibaut était intéressé par l’histoire, la géographie, la mythologie et les saintes écritures c’était un lettré comme le célèbre moine Jean, sur lequel nous reviendrons.
Thibaut serait mort vers 1130.
Qui était saint Prudent ? :
Prudent étudia les lettres et fut un élève brillant. Il fut élu archidiacre de la ville. Mais la sainteté de sa vie et les miracles qui lui sont attribués suscitèrent la haine et la fureur chez ses ennemis. Il fut emprisonné et torturé. Mais comme il refusait d’abandonner sa foi, ses bourreaux lui brisèrent le crâne.
Saint Prudent fut l’un des premiers martyrs de l’Église de Narbonne. On fixe généralement à 257 l’année du martyre de saint Prudent, à Narbonne. Les Chrétiens ensevelirent son corps. Puis ses persécuteurs le déterrèrent et jetèrent ses restes en pâture aux oiseaux de proie et aux autres bêtes sauvages. Mais on dit que Dieu garda ses os et éloigna les animaux qui auraient dû les dévorer. Il permit ainsi aux fidèles de les recueillir une nouvelle fois et de les protéger de toute autre profanation.
Quand la paix revint, les reliques du saint furent déposées dans un tombeau sur lequel fut élevé un oratoire. Les chrétiens venaient s’y recueillir et prier.
Saint Prudent et Bèze :
En 882, Geilon, évêque de Langres qui revenait de Saint-Jacques-de-Compostelle, s’arrêta dans un hôtel proche de Narbonne pour y passer la nuit. Il y apprit que dans une chapelle peu éloignée de l’hôtellerie reposaient les reliques du martyr Prudent. L’évêque s’y rend, il s’agenouille avec respect devant l’autel et la pensée lui vint d’emporter ces reliques. Il demande l’avis de son chapelain et prend les ossements sacrés et se hâte vers la Bourgogne. Ce « pieux larcin » fut donné en présent par l’évêque aux religieux de Bèze en 883 pour que ces reliques soient plus à la portée des fidèles. Les reliques furent placées à l’entrée du portique du monastère. Devant l’affluence des pèlerins venus pour honorer le saint martyr, les moines durent construire non loin une chapelle spacieuse où le buste du saint fut apporté.
Mais le monastère de Bèze ne jouit pas longtemps de ce précieux dépôt. En 887, à l’approche des Normands, les moines de Bèze portèrent les reliques à Saint-Étienne de Dijon mais quand ils voulurent les reprendre, les Dijonnais s’y refusèrent. Gauthier, évêque de Langres, évêque du lieu, dut intervenir pour les obliger à rendre les reliques. Les religieux de Saint-Étienne feignirent de s’incliner, mais en réalité, ils donnèrent aux moines le corps d’un autre saint appelé Sylvain. La fraude fut démasquée et saint Prudent fut reconduit en grande pompe à Bèze le 23 septembre 921.
Prudent fit des miracles à Bèze et en Vingeanne selon Thibaut :
Thibaut, moine de Bèze, fit une liste des miracles opérés par les reliques de saint Prudent (Thibaud de Bèze, «Actes, Translation et Miracles de saint Prudent, martyr», Acta Santorum, éd. Paris, Octobre III), d’après les récits d’auteurs anciens et de personnes dignes de foi. Cependant, il dit ne pas avoir été témoin direct de ces miracles. On trouve de nombreuses guérisons :
-des paralytiques : Rayneldes et Gautselin de Selongey, un autre de Saint-Seine, un Olfrand de Chevigny, un enfant de Blagny, une Arisma de Bourberain
-un sourd et muet : un enfant de Flée
-des aveugles : un de Mantoche, un Aldegand de Viévigne en l’an 921.
-un aveugle et muet : Gauslin d’Is-sur-Tille.
-des possédés du démon : Ernebert de Beire amené à l’abbaye attaché sur un char et lié avec de fortes courroies en 883, Winebaut de Bourberain.
-des boiteux : Ermembault de Lentilly, Olfaida de Chevigny.
-un enfant impotent de Beire paralysé du bras et de l’épaule droite, ce miracle fut obtenu le vendredi saint de l’an 884.
-un estropié à la suite d’un vol de cerises : Winebaud de Pouilly-sur-Vingeanne.
Il brisa les liens de deux enchaînés : un habitant de Bourberain, un Humbert de Rozières. Il ressuscita trois personnes : un enfant noyé à Lux, un Siméon de Bèze tombé du pont de la Bèze et entraîné par les grandes eaux et un autre enfant noyé de Bèze tombé dans la rivière en 1225. En l’an 1116, saint Prudent guérira un enfant né aveugle, un jeune homme de Flacey possédé du démon et un homme paralysé de la main.
Thibaut relate également les impressions d’un ressuscité.
L’abbé Chaume disait que Thibaut était un auteur peu banal.